Luminaires Art-Déco des années 30
Structures métalliques de formes géométriques
Raphaël Armand

Light Zoom Lumière par Lionel Simonot

Raphaël Armand, concepteur lumière de luminaires Art déco.
Concepteur lumière atypique, Raphaël Armand cherche à rétablir le lien entre la lumière et la géométrie de l’architecture dans l’esprit des années 1930.
Installé à Lyon, Raphaël Armand restitue les lumières de bâtiments historiques et conçoit des luminaires d’inspiration Art déco. Il ressuscite l’esprit des avant-gardes de l’entre-deux-guerres tout en l’adaptant aux normes du XXIe siècle.

Quelle est ta formation ?

Raphaël Armand : Je n’en ai pas spécifiquement autour de l’éclairage. Ma grand-mère était administratrice de l’Eldorado, une très grande salle de cinéma à Lyon, transformée en théâtre, puis détruite en 1993. J’ai passé mon enfance dans le milieu du spectacle. J’y ai appris à comprendre les clairs-obscurs et à manipuler des projecteurs. J’ai ensuite travaillé comme machiniste pour le spectacle vivant. Je travaillais sur l’éclairage, mais aussi sur les décors.
Pendant quelques années, j’ai également tenu un magasin d’antiquités. Je me suis spécialisé dans le luminaire à structure géométrique du début du XXe siècle. Ces diverses expériences m’ont progressivement orienté vers mon métier actuel.
Quel est ton travail aujourd’hui ?

Raphaël Armand : Depuis une quinzaine d’années, je suis sollicité par des bâtiments historiques pour travailler sur des luminaires en tant qu’objets, mais surtout en tant que diffuseurs. Je commence par étudier les archives et par me renseigner sur l’historique du bâtiment et l’architecte, voire pour certains bâtiments de l’entre-deux-guerres, sur les éclairagistes associés au projet. Je cumule un maximum d’informations pour rendre l’éclairage cohérent, que je propose avec les intentions initiales de l’architecte, ou par défaut avec ce que la géométrie du bâtiment suggère d’elle-même.

Comment définirais-tu ton activité ?

Raphaël Armand : Je suis concepteur lumière. Par exemple, je travaille actuellement sur deux projets. Je conçois l’éclairage intérieur d’une église parisienne. J’utilise des luminaires du commerce pour l’éclairage direct. Je vais aussi créer de la lumière indirecte avec des ouvertures et en travaillant sur des optiques pour faire parler l’architecture. Je joue également sur la gradation avec un pilotage DALI.

Le second projet concerne le château Laurens à Agde. Il y a 145 ampoules suspendues à un fil, contenues dans des tulipes en verre soufflé. Je dois trouver une solution qui n’existe pas dans le commerce pour restituer cet éclairage.

Tu conçois également tes propres luminaires…

Raphaël Armand : Oui, car l’éclairage indirect ne fait pas tout. L’humain a besoin de l’objet lumineux, qui permet de structurer l’espace et d’attirer le regard. La difficulté dans certains bâtiments est que le luminaire ne prenne pas le dessus sur d’autres objets inscrits à l’inventaire. Mais les espaces vides et les murs blancs me font horreur : nous avons besoin des objets pour réfléchir.

Pour la conception d’un luminaire, je m’inspire de plans au sol, très géométriques, d’architecture antique. En quelque sorte, je fais l’élévation des luminaires « à l’inversée ». J’utilise des méthodes artisanales de fabrication inspirées par le mouvement De Stijl et pouvant être reproduites en petites séries.

Comment sont fabriqués tes luminaires ?

Raphaël Armand : Les structures du luminaire sont en acier laqué noir mat, tandis que des plaques dépolies de PMMA (polymère transparent) jouent le rôle de diffuseurs émettant une lumière très uniforme. Les plaques sont recouvertes d’un vernis mat et d’une protection contre les rayonnements UV permettant un usage en extérieur.

La fabrication et l’assemblage sont faits par l’entreprise Souffray, à Vaulx-en-Velin. Les luminaires sont conçus de telle sorte que Quelle a été ton intervention sur la villa Cavrois de Mallet-Stevens ?

Raphaël Armand : Le projet initial était de recréer le laboratoire qu’était la villa Cavrois et de retrouver l’éclairage historique avec des lampes à incandescence et des linolites au moins pour quelques pièces. Mais pour des raisons normatives et de sécurité, cette approche n’est plus possible pour un bâtiment public. En utilisant des LED, nous avons pu restituer le luminaire en tant qu’objet, mais pas le rendu lumineux de l’époque, car les éléments optiques ne sont pas adaptés à ces nouvelles sources de lumière.la source de lumière soit remplaçable. Mais contrairement aux années 1930, le changement se fait plus facilement et sans risque d’abîmer le luminaire !

Pour les LED et leurs drivers permettant la gradation, je me fournis auprès de la société autrichienne Tridonic. Je choisis des températures de couleur sur une gamme resserrée entre 2700 K pour les plus petits luminaires et 3000 K pour les plus grands.

La reconstitution des luminaires a été difficile, car le point de départ était un bâtiment en ruine. Il a fallu mener l’enquête pour retrouver quelques rares photographies et documents techniques. Je me suis associé à des artisans, notamment pour les structures métalliques. Les trouvailles que nous avons faites sur l’éclairage de la villa Cavrois ont quand même été fabuleuses !

L’exemple le plus emblématique est l’appareil d’éclairage Tigralite de Jean Dourgnon installé dans la chambre du jeune homme de la villa. Similaire à une lentille Fresnel cylindrique, il permet l’éclairage de la coupole en staff d’un diamètre et d’une profondeur calculés en fonction du luminaire.
Peux-tu nous donner un autre exemple d’intervention sur un bâtiment moderniste ?

Raphaël Armand : Oui, la Villa E-1027 au cap Martin par les architectes Eileen Gray et Jean Badovici.

Comme c’est plus petit que la villa Cavrois, nous avons pu restituer fidèlement l’éclairage conçu par Gray. J’ai proposé de passer le réseau en 24 V pour que ce soit accessible au public. Et j’ai intégré des filaments LED dans des ampoules linolites et à incandescence de l’époque.

Propos recueillis par Lionel Simonot à la Brasserie Georges à Lyon, jeudi 30 mars 2023.

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