Explorer le passé du musée des colonies pour illuminer l’actuel Palais de la porte dorée
Pour répondre à cet objectif, Raphaël a débuté son travail en s’imprégnant de l’époque de la construction du musée des colonies. Revenons ensemble à un passé tu à présent, mais glorieux à l’époque. Mettons-nous dans la peau d’un visiteur qui n’a pas voyagé et connu d’autres paysages que le territoire métropolitain et qui a seulement entendu ou lu les richesses extracontinentales.
Nous sommes à l’exposition coloniale internationale de 1931, où une deuxième ville est créée dans Paris sur 110 hectares.
Le Palais de la porte dorée est édité de façon à être le lieu central de l’événement, celui-ci est le seul qui est conçu pour perdurer. La ligne de métro 8 est même agrandie avec une station homonyme pour faciliter l’accès.
Une histoire moins dorée que le palais
Nous avons aujourd’hui peu d’éléments de comparaison avec les autres expositions de ce thème qui ont eu lieu en Australie, aux Etats-Unis ou encore à Taipei. Mais l’exposition de 1931, qui a donné place au musée des colonies, a fait 8 millions de visiteurs sur une durée de six mois.
C’est cette grandiosité de ce que a été l’Empire français qui nous amène à la construction d’un pareil édifice qu’est le Palais de la porte dorée. Les codes des différents arts issus de ce mélange de culture vont rentrer dans le squelette du bâtiment. L’art déco français respire dans ces murs mélangeant les matières et les techniques.
Alors comment est-on passé d’un bâtiment symbolique de l’histoire française à un vestige dégradé ?
Raphaël Armand y répond : “Le musée des colonies françaises a été particulièrement négligé depuis la période de l’après-guerre. De plus la politique culturelle de la ville de Paris n’attachait peu d’importance à l’Art déco.
Et c’est sans compter également les difficiles périodes de décolonisation, il n’était plus question de revendiquer les exploits de nos colonisateurs et glorieuses conquêtes.”
Toutefois, la honte des politiques et du public sur le passé colonial a permis de garder un musée fermé et poussièreux qui s’est plutôt bien conservé. Pour autant, les petits objets comme les luminaires n’ont pas survécu et ont été perdus. Notamment au dernier étage, à la bibliothèque Albert Laprade.
L’étude de la bibliothèque du musée des Colonies
La bibliothèque d’Albert Laprade est très différente des autres pièces présentes à l’ancien musée des Colonies. Au rez-de-chaussé, deux bureaux ont été décorés par Jacques-Emile Ruhlmann et Eugène Pritz. Les fournitures, les décorations, tout est luxueux et démontre la puissance coloniale. A contrario, quelques étages plus haut, on est sur une pièce sobre composée de deux salons sur deux demi-niveaux. La volonté de l’architecte Albert Laprade a été de créer un environnement simple laissant place à la réflexion au lieu de l’émerveillement comme dans les étages plus bas ou sur la façade du Palais.
Au niveau du mobilier, aucune archive a permis d’affirmer ou non que les dessins proviennent de Laprade. Faute de quoi, tout lui a été attribué. Ceux-ci ne possèdent pas d’ornements et ont été créé avec du noyer d’Afrique et du palissandre de Madagascar.
Les vitrines entreposées dans les deux bureaux permettant d’accéder aux livres et documents sont fabriquées de panneaux en verre montés sur des rails en laiton chromé.
Dans cet environnement on retrouve des fauteuils de cuir brun meublant les espaces. À l’époque il y avait également des chaises de lecture réalisées par la grande maison Thonet, mais celles-ci n’ont pas été restituées à ce jour.
On retrouve 6 laques sur 10 de Jean Dunand, dispersées sur les murs de la bibliothèque. Restaurées puis restituées elles retrouvent leur place originelle de témoins du passé. Raphaël Armand met en valeur le génie de Dunand qui, à l’aide d’aluminium, d’incrustation de dorure et de feuilles d’argent, réussissait à capter les flux lumineux de la bibliothèque pour les renvoyer.
La conception des luminaires pour la bibliothèque du musée des Colonies
Les esquisses de Raphaël Armand ont découlé de ces nombreuses heures de recherches, d’interprétations et de connaissances des codes architecturaux de l’époque. La scénographie parfaite du visiteur réside avec les points de lumière stratégiques qui lui racontent une histoire au cours de son voyage. Au total, sur les vingts luminaires et lampes proposés, 2 types ont été retenus. Une lampe de bureau que l’on peut voir sur les clichés ainsi qu’une applique également présente sur les photos.
Raphaël Armand a opté pour un support en aluminium plutôt qu’en acier. Ce matériau est tendre et rentre en harmonie avec les touches argentées des laques de Dunand. L’aluminium ou le duranium étaient majoritairement utilisés par les artistes modernes de l’entre deux-guerres. Et ce, particulièrement pour la fabrication des lampes comme le montre les oeuvres du créateur Jacques Le Chevallier, ami proche de l’architecte Robert Mallet Stevens (Villa Cavrois).
Une des particularités de la création des lampes pour la bibliothèque est que Raphaël Armand a travaillé avec du parchemin. Cette matière permet une diffusion douce et tamisée apportant une touche ambrée. C’est une matière qui est translucide raffinée qui va permettre aux rayons de la source lumineuse de se dispercer sans pour autant agresser l’oeil du visiteur.
Le parchemin provient de la tannerie Dumas, située en Ardèche à Annonay. C’est une maison familiale (3 générations) qui fait perdurer la tradition de la tannerie artisanale sur la peau de chevreaux.
Ce choix de parchemin se porte également sur l’absence d’UV issus de la source lumineuse qui ne va pas abîmer les laques et les peintures historiques.
Les formes des appliques reprennent la structure de la rotonde de la bibliothèque dessinée par Albert Laprade. Raphaël Armand vient apposer sa marque de fabrique du pan coupé qui était particulièrement utilisé lors de l’Âge d’or de l’Art Déco.
La bibliothèque Albert Laprade du Palais de la porte dorée (Musée de l’histoire de l’immigration, ex Musée des Colonies) ouvre ses portes en septembre 2023. Grâce à la reproduction de l’athmospère lumineuse, vous pourrez alors revivre ce que les visiteurs ont connu en mai 1931 lorsque leurs pas foulaient le sol pour la première fois.