Luminaires Art-Déco des années 30
Structures métalliques de formes géométriques
Raphaël Armand

Quel a été le travail de Raphaël Armand sur les luminaires de la Villa Cavrois ?

Quel a été le travail de Raphaël Armand sur les luminaires de la Villa Cavrois ?

Nous abordions il a quelques temps, la place de la Villa au sein de la carrière de Raphaël Armand. Derrière les sources de lumières artificielles se cachent des années de recherches et de réflexions afin de bâtir comme à l’époque, des luminaires en parfaite harmonie avec la Villa Cavrois.

La phase de recherches sur les luminaires de la Villa Cavrois

Pour commencer ce voyage dans les années 30, permettez-nous de citer l’homme derrière le chef d’oeuvre architectural qu’est : la Villa Cavrois.

« l’architecte moderne peut jouer avec la lumière, et comme emplacement et comme intensité. Il place et il dose. Par là même, il accentue ou diminue les reliefs de la matière, il met en valeur les couleurs, il affirme les lignes, il crée de la gaieté, du bien-être. »

Lorsque l’on s’arrête afin de regarder la Villa en profondeur, on s’aperçoit que l’architecte a pris en compte la correspondance de chaque détail avec tous les autres éléments de décor. La lumière et intrinsèquement les luminaires ont une place centrale. C’est pourquoi, lors du démarrage des travaux du château moderne abîmé par les époques et laissé quasiment en friche, la reproduction des luminaires n’était à ne surtout pas négliger.

C’est à la suite d’une étude approfondie des nombreuses archives en tout genre (articles de presses, publicités…) que le projet a pu voir le jour. La grande majorité des pièces d’origine ayant disparu, il fallut étudier chaque objet en l’inscrivant dans son contexte historique.

Lors des visites sur le site, Raphaël Armand a réalisé de nombreux relevés graphiques en vue de fabriquer des maquettes. Tout ce travail en amont a conduit vers la définition de définir les bonnes proportions à partir des clichés réalisés pour la plupart en 1932. Ces relevés ont permis une vision synthétique des espaces et de leurs proportions, ce qui a été déterminant pour fixer les dimensions définitives de chaque appareil à fabriquer. Il est à noter que la dimension était un des points essentiels dans la reproduction des luminaires afin de transmettre aux visiteurs le meilleur confort physiologique possible dans les 2400 m2 habitables.

Ces recherches vont encore plus loin que la “simple” réalisation de luminaires pour Raphaël Armand. Il a fallu redoubler d’ingéniosité dans la création d’un moule qui prendrait en compte les rétractations dues au séchage tout en obtenant le même résultat.

Pour se faire, notre concepteur de lumière est allé chercher un artisan du côté des fabricants de bateaux. Il s’est aperçu que la technique utilisée est celle employée pour réaliser des canots.

Les luminaires de la Villa Cavrois mis aux normes actuelles d’éclairage

Afin de comprendre ce voyage dans le temps, plusieurs éléments sont à avoir en tête. En France, c’est entre 1905 et 1910 que l’on voit apparaître dans les foyers urbains dans un premier temps " la lampe populaire ". C’est une lampe par logement qui est installée au milieu de la pièce principale, si le compteur n’existe pas, l’usage de la lumière électrique est strictement réglementé, il est possible de l’allumer le soir jusqu’à 23 heures et de bon matin avant que le soleil pointe le bout de son nez.

Nous sommes seulement 20 ans plus tard, et le visionnaire Robert Mallet-Stevens met de l’électricité dans le quotidien de la famille Cavrois, seulement les dispositifs de l’époque ne suivent pas forcément l’imaginaire de l’architecte.

Un spécimen original de la salle de bain du cabinet de madame Cavrois ayant survécu, il a été possible de comprendre la composition des appliques des salles d’eaux.

Initialement faites d’un mélange de filasse de chanvre et de plâtre peint, Raphaël Armand a alors fait le choix de reconstituer tous les appareils à destination des salles d’eau en polyester.

Selon Raphaël Armand, les ampoules de 70-100W à l’époque surchauffaient. Elles brûlaient ainsi le chanvre et le plâtre autour devenait jaune sous l’action de la chaleur.

Si l’on en croit les derniers chiffres de l’Observatoire National de la Sécurité Électrique, 200 000 incendies d’habitation ont été recensés en France en 2018, et parmi eux, 50 000 étaient d’origine électrique.

Ceci étant, le progrès technique de l’époque en matière d’électricité a mis certains freins dans le projet de la Villa. Les sources de lumière initialement choisies à l’origine ont vites été obsolètes. Comme notamment la lampe Tigralite que nous abordons plus bas. Difficile d’entretien, elle était un véritable aimant à insectes volants qui venaient mourir le long des parois. Bien que brevetée, ce modèle n’a pas traversé les siècles. Ces faits laissent Raphaël Armand perplexe sur la qualité des premiers éclairages de la villa. Selon lui, “l’emploi de linolites puis de tubes fluorescents bourdonnants devait alors donner à l’ensemble un air lugubre, bien moins lumineux qu’actuellement. Ces appareils devaient surtout dégager une chaleur non négligeable” et ainsi agir négativement sur le confort du foyer familial.

La lampe Tigralite : challenge de la Villa Cavrois

En plus du jeu de reflets entre le miroir du placard et le plafond noir et d’une boule en opaline que propose cette chambre, nous avons une lampe à ailette, nommée Tigralite.

Le système au sein de la lampe Tigralite est complexe et a demandé de nombreux tests à Raphaël Armand quant à sa reproduction. En premier lieu, la lampe Tigralite a été créée par Jean Dourgnon, contrairement à tous les autres systèmes d’éclairage indirect installés dans la villa qui nous provient de André Salomon.

D’aspect original, la lampe à ailettes est constituée de disques de verres dépolis, empilés les uns sur les autres qui donne une lumière diffuse. L’ingénieur éclairagiste réfléchit alors à une lampe qui serait un équipement périphérique croisant des flux lumineux parallèles redressés par une lentille torique, afin d’éclairer uniformément les plafonds en éliminant les zones d’ombre. Cette lampe est brevetée en 1928, son inventeur présente un « système d’éclairage indirect » adapté aux plafonds plans, combinant un dispositif optique à « des organes ou dispositifs anti éblouissants et directeurs accessoires susceptibles de participer à la décoration de la pièce à éclairer. »

En l’absence de sources détaillées permettant de reproduire l’appareil, Raphaël Armand a ainsi précautionneusement épluchés chaque brochures, articles de presse et publicités de l’époque afin de cerner cette lampe énigme. Il s’en est suivit de nombreux tests afin d’obtenir le bon rayonnement de lumière en fonction de son environnement (profondeur et diamètre de niche) et de la taille de l’objet.

Au final, le rôle de Raphaël a été de saisir la diversité des interactions que l’objet perdu puis restitué entretient avec l’architecture en écoutant ce que les vestiges du passé avait à nous dire.

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