Raphaël Armand vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître
Dans les années 80, lorsqu’arrivait la célébration du 8 décembre, c’était un jeu de clair-obscur créé par les simples flammes des lumignons. Tous les Lyonnais plaçaient méthodiquement leurs réceptacles en verre de façon à ce que la lumière naturelle vacille au rythme de la nuit tombante.
La ville rayonnait par ces lampions, mais aussi par ce que Raphaël nomme de ”vraies vitrines” de magasins avec des devantures imposantes. Celles qui racontent une histoire et sont créées avec la volonté d’émerveiller.
Lors de cet unique jour de célébration de lumières, les Lyonnais descendaient dans la rue dès que la pénombre pointait le bout de son nez. Les gones entamaient les promenades sans chemin tracé, guidés par les simples lueurs des bougies. On voyait alors un combat se livrer entre les ombres de la ville et les remerciements à la Vierge jusqu’à ce que la mèche ne soit plus. Noyée par la cire brûlante, feu le lumignon.
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Une fête des lumières à la lumière naturelle
La fête des lumières puise ses racines dans la vénération de la Sainte Vierge Marie. Il faut remonter au Moyen-âge lorsque le sud de la France est ravagé par la peste et menace une ascension vers Lyon. Le 8 septembre 1643 (date clef qui célèbre la nativité de la Vierge) les édiles et conseillers municipaux de l’époque se réunissent et décident de monter à Fourvière pour demander à la Vierge Marie d’épargner la ville. Ils font le voeu de renouveler le pèlerinage chaque année si la ville est protégée miraculeusement. Lyon est épargnée, le voeu est encore honoré aujourd’hui.
Un peu moins de deux-cents années plus tard, un concours de réalisation de statue est initié par l’ordre religieux en 1850. La statue a pour dessein de protéger la ville au sommet de la colline de Fourvière sur l’ancien édifice religieux. Joseph-Hugues Fabisch, sculpteur français, qui trouve ses inspirations dans la religion catholique, est choisi pour réaliser cette statue dans son atelier des quais de Saône. Il est notamment le créateur de la Vierge de la grotte de Massabielle à Lourdes.
Deux ans de façonnage sont requis pour la statue mariale en bronze dorée à la feuille d’or. Elle est intéressante notamment par son absorption et réflexion de la lumière du soleil qui illumine la colline, les jours de beaux temps. Joseph-Hugues Fabisch a également pris en compte la volonté de la placer en hauteur lors de sa création, il a réfléchi à la perspective des membres de la statue pour que nous puissions la voir bien proportionnée d’en-bas.
Si vous regardez la statue depuis le toit de la Basilique de Fourvière vous pourrez apercevoir que la Vierge est disproportionnée ; ses mains et sa tête sont très grandes par rapport à son corps.
L’inauguration de cette statue était initialement prévue le 8 septembre 1852. Seulement la crue de la Saône a empêché que le projet soit prêt ce jour-là et est reporté deux mois plus tard. Le 8 décembre de cette même année, le mauvais temps s’invite à nouveau et s’apprête à contrarier la manifestation. Au dernier moment le ciel se dégage et la légende raconte que les Lyonnais disposent spontanément des bougies aux fenêtres. L’ordre religieux suit le mouvement et la chapelle de Notre-Dame-de-Fourvière s’illumine dans la nuit.
Une fête des lumières à la lumière artificielle
La manifestation populaire rééditée chaque année depuis 1852 se transforme peu à peu en manifestation touristique. La célébration de la Vierge le 8 décembre à Lyon commence à faire parler d’elle et devient un symbole.
En 1989, la municipalité de Michel Noir accompagne la fête spontanée des habitants par les premières mises en lumière de certains monuments.
10 ans plus tard, des animations sont mises en place et proposées par des professionnels du spectacle qui donnent vie à des oeuvres artistiques. La fête des lumières s’étend dorénavant sur quatre jours et anime la ville chaque année.
Au départ, les illuminations sont parties du centre-ville, puis elles se sont étendues dans différents quartiers de la ville. Avec un espace plus grand d’accueil, elle attire un tourisme national puis international. Des concepteurs nationaux et internationaux rejoignent le mouvement et font grandir la manifestation de façon exponentielle. En 2007, Heavent Sud, le salon des professionnels de l’événement, organise au Palais des Festivals de Cannes, la première édition des trophées de l’événement. La Fête des Lumières lyonnaise est récompensée par le trophée du « meilleur événement Grand Public 2006 ».
Durant l’édition 2010, on recense 3 millions de personnes déambulant dans les rues de Lyon pour la Fête des Lumières. En 2012, 1 million de personne en plus est accueilli.
En termes de nombre de personnes se déplaçant pour l’événement, la fête des lumières fait partie des 4 plus grands événements festifs au monde après le Kumbh Mela, le Carnaval de Rio et l’Oktoberfest de Munich.
La scénographie vient petit à petit effacer les lumignons même si ceux-ci persistent le soir du 8 décembre. La fête des lumières s’éloigne un peu chaque année des Lyonnais, de nombreux habitants ne participent plus à la déambulation originelle dans la ville. En 2015, pour la première fois depuis sa création, la fête des lumières est annulée. En raison de sécurité liée aux attentats survenus le 13 novembre en Île-de-France.
La procession et montée aux flambeaux vers la basilique Notre-Dame de Fourvière sont toutefois maintenues. Pour permettre une meilleure visibilité, l’éclairage public du centre est diminué et permet de raviver la flamme des lumignons disposés sur les rebords des fenêtres, ramenant les Lyonnais trente ans auparavant.
Après un retour à la normale, puis une épidémie mondiale, puis un nouveau retour à la normale… Les projecteurs sont de nouveau tournés vers cette nouvelle édition tourmentée vers la sobriété énergétique.