Parfaire l’histoire de la Villa Cavrois en lumière
Tout commence en 1923, lorsque Paul et Lucie Cavrois décident de créer une maison pour leur famille nombreuse dans la périphérie de Roubaix, à Croix.
Paul Cavrois est alors père d’une famille de sept enfants et propriétaire de l’industrie prospère de textiles Cavrois-Mahieu détenant cinq usines de textile à Roubaix et employant au moins 700 personnes.
Le couple avait initialement l’idée de construire un manoir dans le style néo-régionaliste, tendance et surtout en accord avec l’architecture locale.
Mais la rencontre avec l’architecte Mallet-Stevens va changer tous les plans. Le manoir aux aspirations nordistes va se transformer en un château moderne, un bijoux entre l’ingéniosité et le minimalisme. Le couple si séduits par la rue de Mallet-Stevens, véritable manifeste architectural inauguré en 1927, lui donne carte blanche pour ériger ce manoir moderne unique et grandiose.
L’architecte va alors de 1929 à 1932 combiner les principes modernistes de l’architecture de l’époque avec l’art de vivre. Sur le cahier des charges de l’architecte on peut lire ces sept mots : espace, lumière, confort, hygiène, sport, travail et économies. Rappelons-nous que si c’est l’apothéose de l’architecture des années 30 c’est pour une famille de 9 personnes avec ses besoins intrinsèques d’un foyer.
Selon les spécialistes, la Villa Cavrois s’agit d’un rare exemple d’édifice français qui combine l’esprit moderniste des années 30 avec une cuisine épurée et un toit-terrasse. L’oeuvre va être le reflet de la vision de l’Union des Artistes Modernes dont Mallet-Stevens en est cofondateur et le président. Leur idée était d’insuffler dans l’architecture moderne les arts décoratifs via des nouveaux matériaux et nouvelles techniques de production.
L’architecture de la villa Cavrois, des murs à l’éclairage
Lignes épurées, matériaux novateurs, intégration de toutes les dernières innovations techniques, tout est réunis pour créer une oeuvre architecturale. Sans oublier de marquer le respect de ses confrères de l’époque en instaurant au projet des clins d’oeil comme la façade en brique jaune qui rappelle l’hôtel de ville de Hilversum aux Pays-Bas de Willem Marinus Dudok.
Si il y a eu une carte blanche pour l’esthétisme, la demande des époux Cavrois n’en demeure pas sans prérogatives, le futur foyer de la famille devra s’apparenter à un château. Ainsi Robert Mallet-Stevens respecte la grandeur avec une façade longue de 60 mètres et une hauteur monumentale, l’escalier d’honneur, la distribution des pièces avec une aile consacrée aux parents, une aile consacrée aux enfants et au personnel, un vestibule, un hall, un escalier de service, un immense parc de 5 ha qui rappelle les jardins réguliers avec une roseraie, un terrain de jeux, un potager, un bassin de natation… Le parc est ordonné d’une telle façon que l’axe principal de la demeure s’aligne parfaitement dans le reflet du miroir d’eau. Un agencement qui nous fait voyager, entre autres, jusqu’à Agra en Inde, aux pieds du Taj Mahal.
Si l’on passe les portes de la Villa, on est marqués par la prévisualisation d’un foyer chaleureux par un homme des années 30 avec des technologies de l’époque mais précurseurs. Robert Mallet-Stevens conçoit également l’architecture intérieur de la Villa, et se penchant notamment sur les points de lumière et de la perception in fine. L’électricité constitue un point central dans l’apport du confort : haut-parleur TSF, téléphone et horloge encastrés aux murs dans chaque pièce, chauffage central, cave à vin à température, éclairage indirect, ascenseur…
Un point marquant de la villa est l’intégration des objets électriques dans la buanderie avec des machines présentées en France en 1930 mais réellement intégrées dans le quotidien des Français dans les années 60 !
L’aspect de confort est pris très au sérieux par le deuxième artiste de la Villa Cavrois, moins médiatisé au sein du grand public et pourtant fondamental, André Salomon.
Restaurer les points de lumières de la Villa Cavrois tout en gardant les âmes de Mallet-Stevens et Salomon
La perception du visiteur au sein d’une oeuvre est le dessein de chaque artiste. Et pour emmener vers cet objectif, la lumière est une alliée de taille.
Il existe plusieurs sens de la lumière que nous avons développés au sein d’un autre article mais pour résumer, il existe trois types d’éclairage : indirect, direct et mixte.
A cela s’ajoute la typologie de la source de lumière, elle peut être naturelle et venir des rayons du soleil direct à travers les grandes baies vitrées ou indirect se reflétant dans le miroir de l’eau par exemple. Ce sont toutes ces sources qui ont été réfléchies et analysées en amont et pendant afin de jouer sur la chaleur des lieux.
Dans ses plans, Robert Mallet-Stevens a créé un intérieur qui prend en compte l’emplacement de la lumière. Dans notre visite, on retrouve des goulettes, des boîtes à lumières, des corniches toutes emmènent vers des pièces lumineuses ajustées en fonction des moments de vie de famille des années 30.
Le travail de Raphaël Armand a débuté par l’analyse poussée, les sondages et la mise en relief des volontés de l’architecte afin de reproduire à l’identique au départ dans ses ateliers à Lyon.
Son objectif était de créer des luminaires et des horloges en conservant les techniques de fabrication et les matériaux utilisés à l’époque de construction du bâtiment. Le tout en les adaptant aux normes de sécurité actuelles, c’est par ailleurs ce qui va amener à avoir des altérations au niveau des matériaux jugés obsolètes voire dangereux.
L’ensemble de l’éclairage pourrait se définir par le terme original d’”intense régularité”.
Il y a un équilibre qui se retrouve entre la balance des lumières artificielles et naturelles, des reflets et des points de lumières dirigées. Toute cette classification d’éléments producteurs de lumière permet une harmonisation, étudiée au millimètre près. Par exemple, du côté du bureau une seule source de lumière permet de diffuser la lumière de façon totalement homogène. Une visite guidée en photo par les amis de la Villa Cavrois est disponible sur leur site, nous vous invitons à aller la voir !
L’inspiration du cinéma dans l’éclairage de la Villa Cavrois
La particularité entre Mallet-Stevens et Raphaël Armand est que tous deux, viennent du monde du cinéma. Les deux concepteurs de lumières viennent alors s’inspirer naturellement des jeux de lumières de scènes. Chaque pièce constitue un acte au théâtre et bénéficie d’un décor différent.
Par exemple, dans le hall d’entrée, Mallet-Stevens reprend une technique d’éclairage de cinéma qu’il lui a été donnée de faire dans le film Le Vertige en 1926. La porte noire est encadrée de chaque côté par deux boîtes à lumière en acier et verre opalin, celles-ci possèdent un dispositif d’éclairage indirect à l’intérieur. Plus loin, la porte de l’ascenseur est elle-aussi éclairée par transparence comme celles que l’on retrouve dans ce même film Le Vertige.
Comme nous l’évoquions, quatre ans se sont écoulés afin de retranscrire le travail de Robert Mallet-Stevens et André Salomon au niveau de l’éclairage. Ces très riches nombreuses années ne peuvent pas être rassemblées en un seul article. Nous aborderons prochainement les luminaires qui composent la Villa Cavrois.